Un article du Kogaru n°20 qui donne bien à réfléchir...
Razor (ou Leather d'après certains) Ramon HG. Rappelez vous bien ce nom. Répétez-le encore une fois, allez. La nouvelle coqueluche de la télévision nipponne, c'est lui. HG veut dire "hard gay". Enfin, gay, c'est vite dit...
De son vrai nom Masaki Sumitani, c'est le prototype même du type qui veut percer à tout prix à la télévision. Pour cela, il faut innover. Lui a trouvé la combine. Et c'est là que c'est fort car HG ne se ridiculise pas du tout. Non, c'est plus subtil que ça, il ridiculise les gays et il s'en fiche pas mal puisque lui-même ne l'est pas !
Son personnage de HG a explosé en 2005, il fut de toutes les émissions nipponnes à tendances vulgaires, donc plus de la moitié d'entre elles... Revêtu de sa panoplie de cuir, on le vit faire son numéro qui consiste à danser en remuant du popotin, à écarter les jambes et à montrer son cul tout en poussant ses cris de guerre, désormais cultes chez son public, qui sont "c'mooooooooooooooon", "okaaaaaaaaaaaaaay" ou "fuuuuuuuuuuuuuuuu". Et comme ça marche, les clones arrivent déjà. On lui a associé les services, le temps d'une émission, de "Hard Lesbian", une nana habillée de cuir elle aussi et qui montrait ses fesses grasses à pleine mains en disant "regardez ma cellulite !". Amis de la poésie, bonsoir !
En France, même avec le retour de l'ordre moral et autres retours en arrière dus à notre si sympatique gouvernement, un type comme HG débarquerait, le lendemain, Act-up et tout autre association homosexuelle ferait un tollé et à juste titre. Au Japon, tout le monde rigole ! "Ahaha, t'as vu ce pédé là ?". Au secours !
Que ce charlot ne soit qu'une pustule de plus sur la face vérolée de la télévision nipponne, passe encore ! Takeshi Kitano a bien commencé dans ce style. Mais là où ça devient intéressant pour nous autres occidentaux, c'est que HG permet de démontrer a + b le côté réac et intolérant de la société nipponne sur la différence. Bon, le Japon, c'est pas l'Iran ni l'Afghanistan quand même, faut pas exagérer. Dans ces pays, les homosexuels des deux sexes sont lapidés en public. Et après ça on dira que la religion est un hymne à la tolérance... Au Japon, la lapidation restera publique, à la télé donc, mais les cailloux sont différents. A défaut d'accepter totalement ce genre de choses, on en rira et grassement ! C'est aussi efficace.
Les Japonais ne fonctionnent qu'aux clichés. Les Français s'habillent comme dans Lady Oscar, les Américains sont tous black et jouent au basket... Les gays, eux, sont tous des cuirettes moustachues, comme dans le film culte de Jean Yanne
Deux Heure Moins Le Quart Avant Jésus-Christ ou plus simplement, le groupe gay par excellence de la fin des années 70 les Village People. Notons qu'un seul membre de ce groupe était dans cette tenue et, à l'époque, c'était la nouvelle tendance dans les boîtes gay américaines, comme Le Saint par exemple basé à San Francisco.
Dans une émission fin 2005, HG s'est pointé dans un square pour enfants. Les gosses ont beaucoup ri devant lui ; voir un adulte faire l'imbécile, ils adorent ça. Problème, des associations de parents ont été outrées et scandalisées. Quel coup de pub ! Alors certes, ce n'était pas très intelligent pour HG de se pointer en "tenue de scène" dans un square, mais que lui reprochent surtout les parents ? Qu'un guignol en tenue de cuir se soit amusé avec des enfants ou bien qu'un "sale pédé" se soit approché d'eux ? C'est surtout ça qui déplaît tant que HG soit, ou incarne, quelque chose que les Japonais en général n'aiment pas, à savoir les homosexuels. Et il n'y a pas que ça. Remplacez HG par un black, un coréen ou un gaijin*, et vous aurez exactement les mêmes réactions à peu de choses près, mais c'est un autre débat. Sachez tout de même qu'en 2004, un sondage national parut dans la presse nipponne ; il disait que plus de la moitié des interrogés déménageraient si un gaijin venait habiter à côté de chez eux. Les Japonais aiment les étrangers, mais uniquement à la télé ou au cinéma. Alors imaginez un couple gay ou lesbien...
Pour beaucoup dans le milieu japonisant français, les gays, c'est uniquement du yaoi. A savoir des dessins torchés avec les pieds mettant en scène des partouzes entre personnages de manga et lus avec attention par des pauvres filles en manque de chaleur masculine. Avec elles, pas la peine de se mouiller le doigt pour tourner les pages de leurs bouquins ! Elles se sentent concernées par les homos et leur cause allors qu'elle n'en ont jamais rencontré. Laissons ces paumées à leur néant existentiel et parlons de véritables communautés homosexuelles, avec une vie associative, une culture propre à elle. Hélas ! Pour la majorité des gens, quand ils pensent gay, ils visualisent de suite ce qu'ils font dans leur lit. Les gays sont identifiés comme ça. D'ailleurs, HG ne fait que montrer son arrière-train, c'est là que ça se passe. La seule chose qui différencie les homos des hétéros, c'est ce qu'ils font dans leur lit d'après certains. Peut-être mais ce qu'ils y font, ça ne regarde parsonne d'autre qu'eux.
La communauté homo japonaise se résume surtout à des lieux, comme des bars ou des boîtes. Cela se rapproche beaucoup du "modèle" américain. Au milieu des années 80, les gens du marketing se sont apperçus, après des lustres d'occultation volontaire et méprisante, qu'un couple gay, c'était souvent deux salaires et une consommation effrénée dans le loisir. En effet, ils n'ont pas d'enfants à charge ; le trip familial, si cher aux Américains, ils s'en balancent pas mal. Du jour au lendemain, la publicité s'est mise à cibler les gays et à les accepter. Au Japon, c'est pareil. On les tolère uniquement parce qu'ils rapportent de l'argent, rien de plus ! Alors que les coming out de stars occidentales sont carrément devenues des opérations de communication, rares sont ceux émanant de personnalités japonaises. Ils feraient pourtant avancer les mentalités. Ken Hirai fit le sien en 2001 avec courage. On attend toujours celui du Roch Voisine japonais, à savoir Gackt. Lui qui vit en couple avec son violoniste You depuis des années, il aurait pu donner l'exemple. Probablement pense-t-il d'abord à son business. Avec un public d'adolescentes fantasmant sur lui, il faut faire attention de peur de ne plus vendre un seul disque dès le lendemain...
HG est un guignol et un phénomène de mode. L'année prochaine, on l'aura oublié, comme tant d'autre avant lui dans le même style. Qui se souvient à l'heure actuelle des Dandy et autre Tetsu & Tomo ? Il permet de cristalliser le fait que les Japonais ont une vision des choses à base de clichés ridicules et que seule la norme compte. Vous êtes lesbienne et japonaise ? Hors de question que d'assumer ça, il faut penser à sa famille, ne pas jeter la honte dessus parce que "les autres" (les voisins, les collègues de bureau) les jugeront. Certains ne peuvent faire de leur vie une immense hypocrisie et coupent tous les liens avec leur famille pour vivre comme ils l'entendent. Y'a pas à dire, c'est en étudiant le Japon qu'on découvre qu'on est super bien en Europe !
Certains diront que le personnage de HG n'est pas méchant et qu'il n'y a pas mort d'homme. Certes, mais comment réagiriez-vous si un type blanc se pointait habillé en papou cannibale avec un gros accent black ? Ou déguisé en arabe, avec babouches, tapis de prière sous le bras et concessionnaire d'une épicerie ? Ca se faisait en France voilà encore quelques années (remember Lagaf et sa Zoubida infâme ?) mais c'est désormais bien trop dangereux. De nos jours, le racisme et le sectarisme ne sont plus seulement une question de couleur de peau mais aussi d'orientation sexuelle.
Avant de devenir fou, Douglas Mac Arthur disait que les Japonais avaient dix ans d'âge mental. HG lui donne entièrement raison !
*gaijin : étranger venant d'un autre pays.
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